Ce qu'il ne faut pas oublier c'est le gameplay, l'essence du jeu et ses mécaniques. C'est ce qui prime plus que n'importe quoi d'autre dans la qualité d'un jeu.
Oui mais avec ça, tu expliques mal le succès des CoD. Le gameplay est bien calibré, mais vraiment standard et répétitif. Je me suis plusieurs fois ennuyé pendant les phases FPS - mettre le bonhomme dans mon iron-sight, tirer, mettre le bonhomme dans mon iron-sight, tirer, mettre le bonhomme dans mon iron-sight...
Par ailleurs, lorsque tu joues aux échecs, est-ce que le gameplay (tu prends un pion, tu poses un pion) est important ?
Pour moi il m'a toujours semblé évident que la qualité d'un jeu, c'était le feeling et le plaisir hautement subjectif que je ressentais en y jouant, les développeurs devant uniquement avoir à l'idée quel genre de méthodes employer pour maximiser leurs chances de provoquer ce bon feeling chez un maximum de joueurs du public qu'ils ciblent.
Si la qualité serait objective elle serait intemporelle ? Je ne sais pas.
J'viens de lire un
bouquin de Jean-Louis Harter qui réussit le tour de force de proposer de manière cohérente une structure générale de ce qu'est un jeu (à un niveau d'abstraction correct, c'est à dire en évitant de séparer le jeu en plusieurs genres ou morceaux, comme ça se fait la plupart du temps), d'en définir les qualités, et d'être applicable au jeu vidéo. En gros,
la qualité d'un jeu, c'est de sa capacité de permettre au joueur de se laisser porter par la tension ludique.
(Je souligne "permettre" et "se laisser" parce que c'est important : cela implique que le joueur doive participer, parfois dans l'action parfois dans la passivité, "jouer le jeu".)
A priori, les composants de cette qualité sont intemporels, puisqu'ils dépendent uniquement de la structure de l'espace du jeu. Par contre, il existe des composants qui participent à l'établissement de la tension ludique (de beaux graphismes qui donnent envie de se plonger dans l'univers), mais qui ne sont pas structurels (dans beaucoup de cas, le jeu pourrait exister avec des graphismes différents), donc pas intemporels.
C'est justement la différence entre les jeux Nintendo et les CoD. Les jeux Nintendo tiennent par leur seule tension ludique : ils pourraient exister avec n'importe quelques graphismes - d'ailleurs ils existent avec des graphismes moches. Les CoD au contraire, ne se servent quasiment que de composants qui participent à l'établissement de la tension ludique (mise en scène grand spectacle, graphisme, histoire bien violente et valeurs machos...) sans que l'espace de jeu soit particulièrement intéressant : un couloir plus ou moins large où on tue des ennemis. La qualité des jeux Nintendo, au sens de la définition de Harter, est donc plus grande que la qualité des CoD.
(Ce bouquin est vraiment très intéressant, éclairant. C'est vraiment le premier que je lis qui fournit une théorie du jeu large non-segmentée. Par contre il est écrit en langage philosophique, avec un grosse influence Deleuze, donc il faut aimer. Je ferai certainement un article où je mettrai en parallèle les conclusions de ce bouquin et des images de Journey (le jeu de Jenova Chen), qui comme ça a priori semblent très bien l'illustrer.)