Les hommes-oiseaux et le mythe du casual [Chapitre 1]
Publié : 19 Avr 2011, 23:55
Les hommes-oiseaux et le mythe du casual
Rédigé par Sean Malstrom
Traduit par Magnolia
Revu par Zim
CHAPITRE 1 : L'illusion du casual
Il y a des siècles, les hommes essayaient de voler en mettant des ailes à leurs bras et en battant de ses ailes de toutes leurs forces. Dans leur esprit, en toute logique, ça aurait dû marcher. Les oiseaux volent. Les oiseaux ont des ailes. Donc, un homme avec des ailes devrait pouvoir voler.
Ces hommes, pleins de fierté, échouaient à chaque fois. S'ils avaient analysé la nature du vol plutôt que la nature des oiseaux, ils auraient compris (ainsi que l’a compris Bernoulli) le concept de mécanique des fluides. Il est plus efficace d’examiner les raisons physiques du vol plutôt que de se coller des plumes aux bras pour imiter les oiseaux. Les descendants des Hommes-oiseaux sont avec nous, aujourd'hui. Dans l'industrie du jeu vidéo, ils comptent parmi les plus grands producteurs et les analystes les plus estimés.
Nintendo vole haut. Plutôt que d'examiner la nature de son vol, les hommes-oiseaux se révèlent hypnotisés par ses plumes. Les analystes et producteurs ne comprennent ni le concept de "bouleversement créatif" ni même le principe de la "stratégie de l'Océan bleu" (bien qu'ils le croient). Les plumes qu'ils voient dans cette ascension de Nintendo, ce sont les jeux "casual". Par conséquent, ils présument que s'ils font des jeux "casual", ils pourront voler aussi haut que Nintendo.
Le phénomène n’est pas nouveau. Il y a quelques années, au moment du succès de Grand Theft Auto 3, tous ces hommes-oiseaux ont sorti des clones de GTA. Il y a quelques années, c'était les FPS. Avant encore, c'était les jeux de combat ultra-violents. On retrouve même les hommes-oiseaux à la génération 8-bit où ils clonaient des jeux de plateforme. Ils voyaient Super Mario Bros. et s'exclamaient, "Oh, j'ai compris ! On a juste besoin de faire un jeu avec des musiques mignonnes, un monde coloré, et des objets magiques comme ces champignons !". Gigotant leurs bras comme des ailes, ces jeux furent des échecs. Ce qui est surprenant c'est que, malgré le nombre de fois que les hommes-oiseaux retombent au sol, ils sont prêts à chaque génération à se coller des plumes sur les bras et sauter du haut de la falaise.
Comment est née l'illusion du casual
L'industrie du jeu vidéo était, et est encore, principalement "hardcore". Ces sociétés génèrent leurs profits avec des suites et des jeux à gros budget. Ces développeurs et éditeurs sont majoritairement des hardcore gamers.
Quand un hardcore gamer regarde un jeu hardcore, il y voit de la sophistication, de la splendeur, il y voit de l'art ; ce jeu joue le rôle d'un miroir lui renvoyant son propre reflet. Quand un hardcore gamer regarde un jeu dit "casual", il y voit de la simplicité, de la facilité, rien qui ne soit de l’art ; en somme, il ne voit pas les jeux "casual" comme un progrès, mais au contraire comme une régression, des jeux vidéo conçu sur mesure pour des joueurs stupides.
"Stupides !?" s'exclame un des lecteurs. "Tu ne peux pas être sérieux !"
Et pourquoi pas ? Si un casual gamer prend en main la manette Dual Shock de la Playstation, il se sentira le plus souvent totalement perdu. Il n'aura pas la patience de naviguer dans ces environnements 3D trop complexes ni de mémoriser quatorze boutons différents. Alors les hardcore gamers diront de lui qu'il est "stupide" ; quant à lui, il pensera que ce sont les jeux vidéo qui le sont.
A chaque fois que vous rencontrez l'expression « jeux casual », remplacez le mot "casual" par le mot "attardé" et vous saurez ce que pense vraiment l'industrie. "Il y a un boom des joueurs casual !" peut être traduit en "Il y a un boom de joueurs attardés !". Le "département EA des jeux casual" signifie en fait "département EA des jeux pour attardés".
"Pourquoi dis-tu que les joueurs casual sont débiles !?" s'écrie un lecteur.
Je ne l'ai pas dit. Je dis que c'est l'industrie des hardcore gamers qui pense ainsi. Dans leur esprit, "casual" est simplement une façon polie de dire "idiot".
Le cœur des hardcore gamers saigne quand une compagnie dit qu'ils vont faire un jeu accessible à tous, pour les casual gamers aussi, car ils savent que le jeu va perdre tout son mordant, sa difficulté, sa passion et va devenir un jeu générique, facile et sans âme.
Pourtant, malgré le fait que toutes ces compagnies fassent des jeux "casual", le soi-disant public "casual gamer" ne les achète pas (comme ils n'avaient pas acheté les clones de jeux de plateforme de la génération 8-bit, ni les clones de jeux de combat de la génération 16-bit, ni les clones de GTA ensuite, etc.). Quand ils voient leurs jeux "casual" faire un flop alors que les jeux "casual" de Nintendo font un tabac, les développeurs-tiers ragent : "C'EST DE LA FAUTE À NINTENDO ! Les gens n'achètent que des jeux Nintendo ! Les autres développeurs ne peuvent pas réussir sur cette plateforme !"
Le problème de ces compagnies n'est pas dans l'exécution de leur plan. Le problème vient de leur vision du monde. Leur perception est complètement faussée et ça leur coûte des millions et millions de dollars. Les gars, vous ne pensez pas qu'il serait temps de penser un peu plus avant de gaspiller vos millions ?
Les joueurs casual n'existent pas
"Quoi ?" s'écrie un autre lecteur. "Si c'est vrai, qu’est-ce qui sera notre mème pour cette génération ? Qu'est-ce qui sera écrit dans les éditoriaux ? Nous avons fait couler tant d'encre sur le sujet et avons recouru au terme « casual » pour expliquer toute l'actualité. Comment pourrions-nous nous en passer ?"
Je n'en sais rien et je m'en fiche. Néanmoins, par chance, vous, hommes-oiseaux, pourrez apprendre à devenir un peu plus originaux.
Prenons l'industrie des haut-parleurs (que de nombreux joueurs connaissent bien). Il y a un large choix de produits, n'est-ce pas, cher lecteur ?
"En effet" répond le lecteur, "le choix va des haut-parleurs premier prix aux haut-parleurs haut de gamme".
Très bien… Donc plus ils sont bons, plus ils sont chers ?
"Oui, c’est bien cela. Les haut-parleurs haut de gamme sont EXTREMEMENT chers".
Maintenant dis-moi, lecteur imaginaire, comment les connaissances du consommateur influencent-elles son choix au moment d’acheter ?
"Eh bien, ses connaissances définissent la gamme qu’il choisira. Plus une personne s'y connait, plus elle est audiophile, plus il est évident qu'elle voudra du haut de gamme. Il y a des consommateurs qui ne connaissent rien à l'audio ou s'en fichent, qui achèteront du bas de gamme. A l'inverse d'autres sont des passionnés d'audio et prendront enceintes séparées et un caisson de basse afin de maximiser leur expérience."
Est-ce que tu es en train de dire que les personnes qui achètent du bas de gamme sont stupides ? Que ce sont des auditeurs "casual" ?
"Seuls ceux qui achètent du haut de gamme pourraient les appeler « casual ». Il serait plus juste de dire qu’ils ne sont pas assez passionnés par l'audio et donc ne s'y connaissent pas vraiment."
Et qu'est-ce qui crée cette passion ?
Le lecteur sourit : "de l'audio qu'ils veulent écouter".
S'il y a de l'audio qu'ils veulent écouter, ils commenceront par acheter ces haut-parleurs bas de gamme, s'y connaîtront davantage ensuite, et continueront à acheter du nouveau matériel jusqu'à arriver au haut de gamme, c’est cela ?
"Oui."
A SUIVRE...
Dans le Chapitre 2, où l'on verra qu'il n'y a pas de joueur "casual". Il n'y a pas de joueur "hardcore".
Il y a seulement le marché haut de gamme et le marché bas de gamme. Le marché prestigieux et le marché populaire.
Le haut marché et le bas marché.
Rédigé par Sean Malstrom
Traduit par Magnolia
Revu par Zim
CHAPITRE 1 : L'illusion du casual
Il y a des siècles, les hommes essayaient de voler en mettant des ailes à leurs bras et en battant de ses ailes de toutes leurs forces. Dans leur esprit, en toute logique, ça aurait dû marcher. Les oiseaux volent. Les oiseaux ont des ailes. Donc, un homme avec des ailes devrait pouvoir voler.
Ces hommes, pleins de fierté, échouaient à chaque fois. S'ils avaient analysé la nature du vol plutôt que la nature des oiseaux, ils auraient compris (ainsi que l’a compris Bernoulli) le concept de mécanique des fluides. Il est plus efficace d’examiner les raisons physiques du vol plutôt que de se coller des plumes aux bras pour imiter les oiseaux. Les descendants des Hommes-oiseaux sont avec nous, aujourd'hui. Dans l'industrie du jeu vidéo, ils comptent parmi les plus grands producteurs et les analystes les plus estimés.
Nintendo vole haut. Plutôt que d'examiner la nature de son vol, les hommes-oiseaux se révèlent hypnotisés par ses plumes. Les analystes et producteurs ne comprennent ni le concept de "bouleversement créatif" ni même le principe de la "stratégie de l'Océan bleu" (bien qu'ils le croient). Les plumes qu'ils voient dans cette ascension de Nintendo, ce sont les jeux "casual". Par conséquent, ils présument que s'ils font des jeux "casual", ils pourront voler aussi haut que Nintendo.
Le phénomène n’est pas nouveau. Il y a quelques années, au moment du succès de Grand Theft Auto 3, tous ces hommes-oiseaux ont sorti des clones de GTA. Il y a quelques années, c'était les FPS. Avant encore, c'était les jeux de combat ultra-violents. On retrouve même les hommes-oiseaux à la génération 8-bit où ils clonaient des jeux de plateforme. Ils voyaient Super Mario Bros. et s'exclamaient, "Oh, j'ai compris ! On a juste besoin de faire un jeu avec des musiques mignonnes, un monde coloré, et des objets magiques comme ces champignons !". Gigotant leurs bras comme des ailes, ces jeux furent des échecs. Ce qui est surprenant c'est que, malgré le nombre de fois que les hommes-oiseaux retombent au sol, ils sont prêts à chaque génération à se coller des plumes sur les bras et sauter du haut de la falaise.
Comment est née l'illusion du casual
L'industrie du jeu vidéo était, et est encore, principalement "hardcore". Ces sociétés génèrent leurs profits avec des suites et des jeux à gros budget. Ces développeurs et éditeurs sont majoritairement des hardcore gamers.
Quand un hardcore gamer regarde un jeu hardcore, il y voit de la sophistication, de la splendeur, il y voit de l'art ; ce jeu joue le rôle d'un miroir lui renvoyant son propre reflet. Quand un hardcore gamer regarde un jeu dit "casual", il y voit de la simplicité, de la facilité, rien qui ne soit de l’art ; en somme, il ne voit pas les jeux "casual" comme un progrès, mais au contraire comme une régression, des jeux vidéo conçu sur mesure pour des joueurs stupides.
"Stupides !?" s'exclame un des lecteurs. "Tu ne peux pas être sérieux !"
Et pourquoi pas ? Si un casual gamer prend en main la manette Dual Shock de la Playstation, il se sentira le plus souvent totalement perdu. Il n'aura pas la patience de naviguer dans ces environnements 3D trop complexes ni de mémoriser quatorze boutons différents. Alors les hardcore gamers diront de lui qu'il est "stupide" ; quant à lui, il pensera que ce sont les jeux vidéo qui le sont.
A chaque fois que vous rencontrez l'expression « jeux casual », remplacez le mot "casual" par le mot "attardé" et vous saurez ce que pense vraiment l'industrie. "Il y a un boom des joueurs casual !" peut être traduit en "Il y a un boom de joueurs attardés !". Le "département EA des jeux casual" signifie en fait "département EA des jeux pour attardés".
"Pourquoi dis-tu que les joueurs casual sont débiles !?" s'écrie un lecteur.
Je ne l'ai pas dit. Je dis que c'est l'industrie des hardcore gamers qui pense ainsi. Dans leur esprit, "casual" est simplement une façon polie de dire "idiot".
Le cœur des hardcore gamers saigne quand une compagnie dit qu'ils vont faire un jeu accessible à tous, pour les casual gamers aussi, car ils savent que le jeu va perdre tout son mordant, sa difficulté, sa passion et va devenir un jeu générique, facile et sans âme.
Pourtant, malgré le fait que toutes ces compagnies fassent des jeux "casual", le soi-disant public "casual gamer" ne les achète pas (comme ils n'avaient pas acheté les clones de jeux de plateforme de la génération 8-bit, ni les clones de jeux de combat de la génération 16-bit, ni les clones de GTA ensuite, etc.). Quand ils voient leurs jeux "casual" faire un flop alors que les jeux "casual" de Nintendo font un tabac, les développeurs-tiers ragent : "C'EST DE LA FAUTE À NINTENDO ! Les gens n'achètent que des jeux Nintendo ! Les autres développeurs ne peuvent pas réussir sur cette plateforme !"
Le problème de ces compagnies n'est pas dans l'exécution de leur plan. Le problème vient de leur vision du monde. Leur perception est complètement faussée et ça leur coûte des millions et millions de dollars. Les gars, vous ne pensez pas qu'il serait temps de penser un peu plus avant de gaspiller vos millions ?
Les joueurs casual n'existent pas
"Quoi ?" s'écrie un autre lecteur. "Si c'est vrai, qu’est-ce qui sera notre mème pour cette génération ? Qu'est-ce qui sera écrit dans les éditoriaux ? Nous avons fait couler tant d'encre sur le sujet et avons recouru au terme « casual » pour expliquer toute l'actualité. Comment pourrions-nous nous en passer ?"
Je n'en sais rien et je m'en fiche. Néanmoins, par chance, vous, hommes-oiseaux, pourrez apprendre à devenir un peu plus originaux.
Prenons l'industrie des haut-parleurs (que de nombreux joueurs connaissent bien). Il y a un large choix de produits, n'est-ce pas, cher lecteur ?
"En effet" répond le lecteur, "le choix va des haut-parleurs premier prix aux haut-parleurs haut de gamme".
Très bien… Donc plus ils sont bons, plus ils sont chers ?
"Oui, c’est bien cela. Les haut-parleurs haut de gamme sont EXTREMEMENT chers".
Maintenant dis-moi, lecteur imaginaire, comment les connaissances du consommateur influencent-elles son choix au moment d’acheter ?
"Eh bien, ses connaissances définissent la gamme qu’il choisira. Plus une personne s'y connait, plus elle est audiophile, plus il est évident qu'elle voudra du haut de gamme. Il y a des consommateurs qui ne connaissent rien à l'audio ou s'en fichent, qui achèteront du bas de gamme. A l'inverse d'autres sont des passionnés d'audio et prendront enceintes séparées et un caisson de basse afin de maximiser leur expérience."
Est-ce que tu es en train de dire que les personnes qui achètent du bas de gamme sont stupides ? Que ce sont des auditeurs "casual" ?
"Seuls ceux qui achètent du haut de gamme pourraient les appeler « casual ». Il serait plus juste de dire qu’ils ne sont pas assez passionnés par l'audio et donc ne s'y connaissent pas vraiment."
Et qu'est-ce qui crée cette passion ?
Le lecteur sourit : "de l'audio qu'ils veulent écouter".
S'il y a de l'audio qu'ils veulent écouter, ils commenceront par acheter ces haut-parleurs bas de gamme, s'y connaîtront davantage ensuite, et continueront à acheter du nouveau matériel jusqu'à arriver au haut de gamme, c’est cela ?
"Oui."
A SUIVRE...
Dans le Chapitre 2, où l'on verra qu'il n'y a pas de joueur "casual". Il n'y a pas de joueur "hardcore".
Il y a seulement le marché haut de gamme et le marché bas de gamme. Le marché prestigieux et le marché populaire.
Le haut marché et le bas marché.