J'espère que, malgré tout, tu accepteras de lire le message ci-présent (avec l'attention nécessaire à un débat).
Je vais reprendre ton argumentation depuis le début, et y répondre posément :
Notre instinct a en effet tendance à nous pousser à considérer notre propre vie comme la chose la plus importante, plus importante encore que la vie des autres (exception faite pour une femme vis-à-vis d'un de ses enfants, ici l'insinct maternelle passe devant). Mais notre instinct nous pousse également à, par exemple, rejeter l'autre s'il est différent de nous, ceci entrainant le racisme, l'homophobie, etc. Je démontre donc par là 1) que l'instinct explique mais ne justifie pas (mais je pense que tu es d'accord avec ça) et 2) que l'instinct est dépassable, tu ne peux donc pas dire "je n'y peux rien c'est mon instinct". Et donc, ne pas considérer les animaux comme nos semblables par manque d'intérêts personnels ne peut pas être justifié par notre instinct.- cependant, d'un point de vue subjectif notre propre vie est tout, et sa préservation passe en bonne partie par la collaboration et la cohabitation avec nos semblables : c'est pourquoi la société s'est formée sur des règles de respect de l'humain, qui font que, par le fait, on traite les humains avec plus de respect que les animaux
J'en ai déjà parlé : tu ne peux pas revendiquer quelque chose de subjectif si tu as conscience de sa nature subjective, la subjectivité étant justement l'illusion de l'objectivité. Donc, je le redis : ici ton argumentation est un non-sens : ce que tu dis revient à dire "je suis en train de faire ceci car je ne m'en rends pas compte que je ne devrais pas le faire".ce qui, du point de vue absolu qu'est le point de vue subjectif, me convient.
Cf. mes explications ci-dessus. L'être humain a la capacité d'aller au-delà d'un instinct à partir du moment où il réalise qu'il ne s'agit que d'un instinct.Par contre, ce que je te donne là est un raisonnement logique. Mais je ne suis pas un être de pur logique. Comme tout être humain, j'ai une capacité d'empathie élevée.
Je pense que tu te trompes quand tu dis estimer ton empathie envers les animaux égale à celle que tu ressens pour les êtres humains, car je pense que si un jour tu avais l'opportunité d'acheter de la viande humaine (et en partant du principe qu'elle a un bon goût et qu'elle n'est pas moins bonne pour la santé) ça ne te viendrait pas à l'idée de le faire. Et ce malgré le fait que ta phrase entre parenthèses s'appliquerait tout autant à la viande humaine.Comme tout être humain, j'ai une capacité d'empathie élevée. Et cette capacité d'empathie, qui s'applique normalement aux proches humains, est chez moi décuplée par le fait que je ne considère pas les autres êtres vivants inférieurs à l'être humain, ce qui fait qu'au final, je ne ferais pas de mal à une mouche. (Cependant, je mange de la viande, car le mal est fait puisque ces animaux sont morts, et que je doute que ma propre abstinence aide significativement en quoi que ce soit.)
Plus haut dans mes citations tu avances l'argument qu'on peut s'autoriser à manger de la viande par égoïsme instinctif (le fait de considérer les animaux comme nos semblables ne nous apporte rien, donc on s'autorise à les manger). Maintenant, tu avances l'argument de l'absence de conséquences dans le fait d'acheter de la viande. Est-ce un changement d'avis ? Ou les deux arguments sont-ils aditionnables ? (c'est une réelle question ; j'essaie de bien comprendre ton point de vue) En fait, si je comprends bien : ton empathie est un "défaut" (appelons-ça comme ça) t'amenant à ne pas prendre en compte le premier argument, mais un autre argument (l'absence de conséquences) t'amène à ne pas prendre en compte cette empathie. Soit, ça se tient.(Cependant, je mange de la viande, car le mal est fait puisque ces animaux sont morts, et que je doute que ma propre abstinence aide significativement en quoi que ce soit.)
Plus haut j'ai (à mon sens) contre-argumenté le premier argument (l'égoïsme instinctif), je vais maintenant contre-argumenter le second (mais pas par principe, en effet je ne cherche pas à bêtement contre-argumenter à tout prix tous tes arguments ; je tenais à t'en assurer).
De manière directe : elle réduit la demande en viande, et donc l'abattage d'animaux. Peut-être faut-il à un individu 10 ans de végétarisme pour sauver de manière concrète un seul animal, mais du point de vue antispéciste -que tu dis approuver- ces 10 ans de privation valent le coup.je doute que ma propre abstinence aide significativement en quoi que ce soit
De manière indirecte : elle permet d'accroître un boycott qui, si un jour il est suffisamment grand, permet de changer significativement les choses.
Pour commencer j'ai une question : t'arrives t-il de voter ? (apparemment non, mais j'aimerais m'en assurer)Soit, mais là, je n'applique pas mon raisonnement à tout le monde, mais à moi. Que tout le monde vote ou non, mon vote est négligeable, mais ça ne veut pas dire que tout le monde doit faire comme moi ! Je ne pense pas avoir une influence suffisante pour pousser tout le monde à voter, et lorsque tout le monde votera, mon propre vote n'aura que peu d'importance. Je voterais certainement lorsque deux partis seraient à peu près à 50% de chance de gagner, car là je pourrais changer quelque chose. Mais la cause des végétariens est loin d'atteindre ce chiffre (cela dit, je parle d'un 50% pour les votes, mais peut-être que le végétarisme aurait une réelle incidence à un pourcentage moindre : mais en tout cas bien supérieur à l'actuel).
Continuons. Tu sembles voir le monde comme deux éléments : toi d'un côté et le reste du monde de l'autre. Un animal, dépourvu de capacités intellectuelles suffisamment élevées, aura tendance à le voir ainsi. Mais ton intelligence d'humain ne peut "t'autoriser" à voir les choses ainsi. Je vais prendre un exemple très concret pour tenter de te montrer la faille de ton raisonnement : toi et 99 personnes êtes dans un champ, une des ces personnes tombe dans un trou, sa vie est en danger, et il y a besoin d'au moins dix personnes pour tirer la corde permettant de la remonter à la surface (à neuf c'est impossible - admettons que la personne tombée est très lourde). Que vas-tu faire ? Selon la logique que tu défends ton action individuelle n'a pas d'influence directe, de plus tu ne peux forcer (ni même influencer) personne à participer à l'action. Du coup il t'apparaît normal/logique/pertinent de ne rien faire (sachant que l'action te coûte quelque chose à toi, ici de l'énergie). Sauf que, rien ne te permet de penser que les 98 autres personnes n'ont pas la même logique que toi, et donc rien ne te permet d'être sûr que si tu ne bouges pas d'autres vont le faire à la place. Ici, je te montre que ton argument "je n'ai pas d'influence sur les gens, je ne les contrôle pas" justfie l'inaction individuelle (cf. ce que tu dis) mais justifie tout autant l'action individuelle (cf. ce que je viens de dire). Donc ton argument s'auto-annule.
C'est pour ça qu'il est normal/logique/pertinent de voter même si notre vote ne change rien directement, de ne pas poluer la nature même si notre polution ne change (presque) rien directement,... et de boycotter le commerce de la viande, même si notre boycott ne change (presque) rien directement. Chose que j'estime évidente, mais je reconnais pleinement que je n'aurais jamais dû qualifier ton propos de "masturbation intellectuelle", déjà parce qu'une telle expression ne grandit pas le débat, mais aussi parce qu'il y a beaucoup de choses qui peuvent paraître évidentes mais qui ne le sont pas réellement (comme le fait de manger des animaux, justement). Aussi il est pertinent de remettre en question les évidences (adopter une démarche sceptique), jusqu'à les invalider ou être sûr qu'elles sont valides. Donc, même si je ne suis pas d'accord avec le résultat de ta démarche, j'approuve ta démarche en elle-même.
Par mon explication j'essayais simplement de te montrer que le fonctionnement d'un boycott est le même que celui d'une élection, de la préservation de la nature, etc. et que donc ton raisonnement pour invalider l'intérêt du boycott de viande au niveau individuel invalide aussi l'intérêt du vote au niveau individuel, etc. Je ne cherchais absolument pas à faire un raccourci du type "ne pas voter c'est mal donc ne pas boycotter la viande c'est mal", je cherchais juste à te faire comprendre la non validité de l'argument "une action individuelle n'a pas d'importance si seule elle ne change rien".En disant "Avec le même raisonnement on justifie, à titre individuel : de ne plus trier ses déchets, de jeter son huile de moteur dans la rivière, de ne pas aller voter, d'acheter des produits fabriqués par des enfants, etc.", c'est encore une technique qui ne relève pas de la logique. "A justifie de faire X. Mais A justifie aussi de faire Y. Y est mal. Donc A ne peut pas justifier X."
J'en reviens à ce que j'ai dit plus haut dans mon post, concernant le non-sens d'assumer une subjectivité. L'attitude consistant à limiter sa consommation de viande par empathie pour les animaux sans l'arrêter complètement n'a pas de sens pour une personne comprenant pleinement la notion d'antispécisme et y adhérant (comme c'est ton cas, sauf erreur de ma part). Pour être exact, si, ça pourrait quand même avoir du sens, mais seulement si tu disais admettre que tu continues de manger de la viande par manque de volonté, et admettre que dans l'idéal tu devrais arrêter. Là ce n'est pas le cas, tu te dis antispéciste, tu dis penser à limiter ta consommation de viande du fait de ton antispécisme, mais tu assumes pleinement de continuer à manger un peu de viande de temps en temps. Je trouve que c'est un non-sens (encore une fois).Cela dit, parler avec me fait prendre conscience que je pourrais au moins réduire ma consommation de viande, par exemple en la réservant à quelques plats réellement bons mangés de temps en temps, plutôt que de la consommer de manière régulière. Si ça n'implique aucun changement radical d'habitudes, ni d'engagement prosélyte, j'imagine que je n'ai aucune objection contre.
On est d'accord : le fait que quelqu'un n'ait pas de moral n'autorise pour autant personne à agir sans moral envers lui. J'essayais simplement de te choquer un peu pour tenter de te montrer les failles de ton raisonnement (de façon très maladroite, je l'admets).Les animaux n'ont pas de morale (théorisation sur le bien ou le mal fondé de leurs actes), donc au nom de la morale, on peut leur nuire ? Une morale pareille, je n'en veux pas, et je suis bien content de "ne pas en avoir du tout", selon cette morale violente envers ce qui ne se soumet pas à elle.
Je suis assez d'accord avec ceci. La morale a quelque chose d'illusoire. Mais, simplement, pour récapituler mon point de vue :Le "défaut" ici (admettons le jugement de valeur sorti d'on ne sait où) est la partialité de ma morale, c'est-à-dire, si je m'en réfère à la citation de moi que tu commentais, le fait que je sais combien ma morale est arbitraire, c'est-à-dire qu'elle n'est qu'une extrapolation raisonnée sur un instinct. La seule manière de corriger ce défaut, c'est d'accepter que cette extrapolation n'a aucun fondement logique (elle dépasse la fonction première d'un instinct - l'empathie - qui en lui-même est amorale, et qui a pour seul but la préservation de l'espèce humaine contre toutes les autres espèces), et de se dégager de l'influence de son instinct. Or sans cette empathie, pas de morale universelle minimisant la souffrance de tous les êtres vivants, puisque sans empathie, on n'en a rien à fiche.
Je n'ai pas envie qu'autrui me procure de la souffrance, qu'elle soit physique ou psychologique. De plus, je constate que la quasi totalité des êtres vivants capables de sentience désirent la même chose (les animaux inclus, même s'ils n'ont pas la capacité de réaliser qu'ils ont ce désir). Donc, j'estime qu'il est du devoir de quiconque de générer le moins possible de souffrance dans la vie des autres. Les animaux n'ont pas la capacité intellectuelle pour accomplir ce devoir, ils en sont donc exempts.
M'autoriser à faire du mal aux autres, c'est autoriser les autres à me faire du mal. M'autoriser à faire du mal à un animal, c'est autoriser qu'on me fasse du mal si j'avais été un animal. Concernant cette dernière phrase j'admets qu'il y a une part de morale, mais cette phrase est justifiable par un égoïsme logique : me dire que si j'avais été une vache et la vache un homme cette dernière s'autoriserait à me maltraiter m'est insupportable. Et, en fait, de manière générale, le fait de savoir que des êtres vivants souffrent m'est insupportable. A plus forte raison si j'en suis responsable, même "indirectement". Ici on pourrait parler de moral, de notion subjective, d'instinct, ...pourtant il me semble y avoir beaucoup de logique dans cette empathie. Encore une fois : j'aurais pu être une vache, un cochon, une poule...
L'empathie n'est pas un instinct, au contraire, elle est le résultat d'un surpassement de ses instincts.