Attention il est possible que je sois totalement HS.
Non, je crois pas, on parle de manière de vivre. Désolé de répondre si tard, je devais réfléchir et j'ai pas eu de masse de temps ces derniers jours.
A moins de vivre façon Diogène, on a tous des responsabilités vis-à-vis de ce que l'on mange, ce que l'on fait. "Hakuna matata" c'est impossible. Et justement je me bats contre cette philosophie de la "non-violence" ; car de nos jours, si on se laisse vivre sans réfléchir, on est irresponsable. Ca marchait peut-être à l'antiquité où tu pouvais ne vivre que par toi-même et pour toi-même mais aujourd'hui, dans notre société prétendument d'abondance, ça me paraît impossible.
Je dirais pas "Hakuna matata c'est impossible", parce je crois que si les gens ont envie d'être tranquilles et heureux dans leur vie, ils ont le droit. Toutes les époques ne nous permettent pas de vivre dans le confort matériel, et celle-ci n'est même pas certaine de durer. Maintenant, en ce qui *me* concerne, je suis d'accord avec toi sur la responsabilité.
Il faut de la volonté pour éviter de porter atteinte à quelque chose ou pour décider de vivre vraiment par soi-même. Car si tu pousses la logique, le bouddhisme ça paraît être de fermer les yeux volontairement sur les injustices, les actes d'autrui, et vivre dans son coin. Alors aller à l'encontre, oui c'est fatiguant parce que ça demande d'être vigilant en permanence, et de tout voir à travers le filtre de "je dois laisser le moins de trace possible". Dans l'idéal, ça voudrait dire renoncer à tout divertissement ou de créativité pour se concentrer sur l'essentiel à la vie.
Là je crois que c'est une question de méthode, et qu'on a chacun des méthodes qui nous correspondent plus ou moins, et qui correspondent plus ou moins à la situation du monde et du moment. En présentant quelques concepts de philosophie orientale, je voulais montrer que certaines méthodes, qui ne vont pas à l'encontre du monde, peuvent être plus efficace quand on veut atteindre un but.
La volonté dont tu parles, l'énergie que l'on peut mettre dans quelque chose, n'est pas infinie. Certains ont une grande force de vie et sont capables de déployer énormément d'énergie, constamment, pour atteindre leurs objectifs. D'autres n'ont pas cette énergie, ne savent pas ou ne souhaitent pas la canaliser. Les premiers peuvent appliquer une méthode à base d'action et de volonté, les second non. Pour autant, est-ce que cela fait d'eux des faibles ? Je crois pas, je pense qu'ils ont à leur disposition d'autres moyens.
Je crois que le déploiement d'énergie pour aller contre n'est pas toujours utile, et qu'il peut être nocif si on utilise son énergie en vain. On peut se fatiguer, déprimer et être forcé d'abandonner. Au contraire, accompagner les choses ou profiter de leurs formes pour avoir un appui sur elles, au moment décisif, économise l'énergie et peut se révéler plus efficace. Je peux donner deux exemples liés au jeu vidéo et que tu connais, vu qu'on en a déjà parlé.
L'organisation du projet Lije. Il y a des sessions de travail hebdomadaires, un site d'équipe, des documents partagés, des messages échangés entre les membres de l'équipe, on prévoit des communications vers l'extérieur. Quel est l'intérêt de tout ça ? Faire en sorte que le projet entretienne tout seul sa propre énergie, qu'il repose lui-même sur son poids autant que possible, plutôt que ce poids se répartisse sur nos épaules. Que quelqu'un partage un document entraîne les autres à partager, donne de l'énergie à chacun qui voit le projet avancer. Que chacun essaye d'apporter sa vision du projet nous enrichit mutuellement et entretient l'énergie de celui qui s'exprime. Qu'on ait des sessions de travail hebdomadaire modèle d'une certaine manière nos vie, et nous dispose à faire avancer le projet. Les futures communications vers l'extérieur auront pour objectif d'agréger une communauté, qui, si elle nous soutient, nous apportera de l'énergie et des moyens supplémentaires.
Il serait possible d'aller contre le monde, qui s'oppose à la réalisation de ce projet : que je fasse le tyran, que j'impose ma vision, que je fouette tous les membres de l'équipe, que je fasse un emprunt à la banque pour recruter des développeurs... Je crois que ça aurait pour seul résultat de condamner le projet (et de me mettre dans la merde vis à vis de la banque).
La situation de l'industrie jeu vidéo. Durant les quelques mois pendant lesquels j'ai travaillé dans le jeu vidéo pro, je me suis rendu compte que, le plus souvent, pour tout un tas de raisons économiques et sociétales, le jeu vidéo en France était une machine à broyer les gens - et notamment les ptits jeunes idéalistes. Tu te souviens que j'ai écris un mail là-dessus sur rufflerim. J'aurais pu aller contre, essayer de bouger la CGT pour qu'elle s'intéresse à ce secteur, mais là encore, j'aurais eu peu de chance de succès.
Du coup, je me suis dit que j'allais prendre un voie détournée. Être dans le jeu vidéo sans être dans le jeu vidéo. Bosser sur Geex pour tester un modèle économique et donner un coup de patte aux dev amateurs ou indépendants. Développer parallèlement un petit jeu avec des gens et voir comment le faire voguer entre Charybde et Scylla. Profiter de ce petit jeu pour m'intéresser à la théorie du jeu vidéo, qui mérite elle aussi quelques coups de pied au cul. En gros : glaner de quoi construire un levier en bois, et un caillou comme point d'appui, et voir si avec je peux faire bouger un bout de bois plus gros et un caillou plus lourd. Ça a de bonnes chances de mener à rien, mais c'est rigolo et on sait jamais.
En vrai y'a pas mal de déploiement d'énergie là-dedans. Mais il n'est pas direct et, en dehors des comptes que je dois rendre à toi et aux autres membres de l'équipe sur Lije, ou à Roys et à notre nouvelle recrue sur Geex, je peux facilement contrôler ma fatigue.
Bref, ta description du bouddhisme me paraît très idéaliste quant à la nature humaine ; elle paraît fondée sur un "tout est au mieux dans le meilleur des mondes" mâtiné d'un "on est jugé au mérite" concernant Chahi. Un peu comme le marxisme est fondé sur la responsabilité individuelle et l'entraide, en passant complètement à la trappe l'envie d'avoir plus de confort qu'un autre, ainsi que l'avidité.
Je parlais surtout de taoisme, puisqu'en bouddhisme je connais pas grand chose. Mais en ce qui concerne le taoisme, tu as parfaitement raison. Il est écrit directement dans le Tao te king que celui qui dirige un peuple doit le laisser dans l'ignorance, agir le moins possible. Nous autres occidentaux révoltés ne pouvons pas être d'accord avec ça. C'est aussi ce qui fait le charme de notre civilisation
(Par contre Bouddha a dit un truc comme "La vie est un balancement entre la douleur et l'ennui". La douleur quand on a pas ce que l'on désire, et l'ennui quand on l'obtient. On peut pas parler de vision idéaliste de la nature humain ^^.)