Elle m'a écrit d'elle-même son numéro sur un bout de papier.
Je.. J'ai... J'ai rêvé de Trotter.
In b4 Fantomas sur ma sexualité, mais non : Trotter discourait sur son jeu. Il a enchaîné pendant 30 secondes-1 minute, mais c'était tellement riche que j'ai pas tout retenu.
Je rapporte seulement ce que j'ai pu reconstituer juste après, mais j'ai perdu la plupart des subtilités.
Je me rappelle qu'il disait que dans son jeu, il y avait de la répétitivité, parce qu'il n'existe aucun monde sans répétition, [i.e qui ne soit soumis à aucune loi, ne serait-ce que celle du chaos]. Après coup il m'a fait penser à une nouvelle de Borges sur le Minotaure, qui décrit son labyrinthe comme un ensemble de motifs qui se répètent 14 fois (14 étant le nombre de l'infini).
Mais qu'il avait transformé son monde en un jeu, par l'ajout d'une règle : le joueur peut explorer à son gré l'ensemble de cet univers et l'infinité de ses combinaisons... En revanche, il ne peut le faire qu'une seule fois (à opposer à la répétition du monde) : le joueur jauge donc lui-même combien du monde il veut explorer, et il arrête quand il le veut (quitte à ruser avec la règle, en ne fermant jamais le jeu quand il n'y joue pas). Ca fait référence à l'introduction de son projet, je cite : "Le joueur s'incarne lui même : Vous êtes vous-même, dans cet univers que vous pouvez quitter à tout moment d'un Alt+F4" (même si dans son jeu on peut sauvegarder, en fait).
Pour illustrer son idée, Trotter a donné ensuite l'exemple de la Caverne de Platon. C'est un monde de répétition : on gémit, on souffre, on s'ennuie, pour l'éternité. Mais avec une seule règle, cette caverne peut devenir le lieu d'un jeu passionnant. Le jeu est de plaire à l'autre. Le premier décide, par l'artifice, de faire briller son imagination, faire voir des choses nouvelles, étonner. Le deuxième est bien embêté, parce que le premier a fait fort. Alors il décide de jouer autrement : son histoire à lui, dépeint la nature profonde des choses, d'autrui, de lui-même : il touche en dépeignant, en sublimant, le portrait de ce qui est connu. Plaire par l'inconnu, plaire par le connu : faire voir de nouvelles choses, faire voir les choses familières d'une nouvelle manière : deux attitudes de joueur fondamentales qui naissent de l'introduction d'une règle de jeu dans un monde vide de sens. (Ca peut être compris comme une allégorie de la création artistique : le pourquoi et le comment.)
A ce moment-là, j'ai compris que ce n'était pas Trotter, mais un mélange de lui et moi, ça m'a un peu fait flipper et je me suis réveillé.